CHAPITRE 37

 

Je ne ressentais toujours rien, une heure plus tard, quand Ortega m’a trouvé dans la salle d’enveloppement, assis sur un chariot automatique, contemplant la lueur verte des cuves de décantation. Le sas a émis un léger bruit puis un bourdonnement persistant quand il s’est ouvert, mais je n’ai pas réagi. Même en reconnaissant ses pas et son juron quand elle a trébuché sur les câbles déroulés par terre, je n’ai pas levé les yeux. Comme la machine sur laquelle j’étais assis, mon alimentation était coupée.

— Comment vous sentez-vous ?

Elle se tenait à côté du chariot.

— Comme j’en ai l’air.

— Vous avez l’air d’une loque, a-t-elle dit en tendant les bras et en attrapant une grille de protection. Je peux vous rejoindre là-haut ?

— Allez-y. Vous avez besoin d’un coup de main ?

— Nan, a répondu Ortega en essayant de se soulever à la force des bras. (Sous l’effort, elle est devenue grise et est restée suspendue en se moquant d’elle-même.) Bon. Peut-être.

Je lui ai tendu mon bras le moins abîmé et elle est montée avec un grognement. Elle est restée accroupie un instant, avant de s’asseoir à côté de moi et de se frotter les épaules.

— Seigneur, il fait un froid de canard. Depuis combien de temps êtes-vous assis sur ce truc ?

— À peu près une heure.

Elle a regardé les cuves vides.

— Vous avez vu quelque chose d’intéressant ?

— Je réfléchis.

— Oh ! a-t-elle dit en s’arrêtant de nouveau. Vous savez, cette saloperie de lethinol est pire qu’un paralyseur. Au moins, quand vous êtes paralysé, vous savez que vous avez un problème. Avec le lethinol, tout paraît cool, on se détend. Et on se casse la gueule sur le premier morceau de câble venu…

— Vous n’êtes pas censée rester allongée ?

— Ouais, ben, vous aussi. Vous allez avoir de jolis bleus sur le visage demain. Mercer vous a fait une injection antidouleur ?

— Je n’en avais pas besoin.

— Oh, le dur ! Je pensais que nous avions un accord. Que vous deviez faire attention à cette enveloppe.

J’ai souri par réflexe.

— Vous devriez voir à quoi ressemble l’autre type.

— Je l’ai vu. Vous l’avez éventré à mains nues ?

J’ai continué à sourire.

— Où est Trepp ?

— Votre copine allumée ? Elle est partie. Elle a parlé à Bautista d’un conflit d’intérêt et elle a disparu dans la nuit. Bautista est en train de s’arracher les cheveux pour essayer de trouver un moyen de camoufler ce merdier. Vous voulez lui parler ?

— D’accord.

Il y avait quelque chose d’hypnotique dans l’éclairage émeraude des cuves de décantation. Derrière un bouclier de torpeur, mes idées commençaient à tourner en rond, se mordant les unes les autres comme des piranhas dans une spirale nutritive. La mort de Kadmin, loin de m’avoir soulagé, avait allumé la mèche lente de mes appétits destructeurs. Quelqu’un allait payer.

« Rendez l’affaire personnelle. »

Mais c’était plus que personnel. C’était Louise, alias Anémone, découpée sur un plateau chirurgical ; Elizabeth Elliott poignardée à mort et trop pauvre pour se faire réenvelopper ; Irène Elliott, pleurant un corps qu’une Corpo portait un mois sur deux ; Victor Elliott, tiraillé entre son chagrin et le retour de quelqu’un qui était et n’était pas la même femme. C’était pour ce jeune homme noir qui retrouvait les siens dans un corps blanc, brisé et entre deux âges ; pour Virginia Vidaura marchant, tête haute, vers le placard, une dernière cigarette polluant des poumons qui allaient être attribués, sans aucun doute, à un autre vampire corpo. C’était pour Jimmy de Soto, s’arrachant l’œil de ses propres doigts dans la boue et le sang d’Innenin, et pour des millions comme lui à travers le Protectorat, des assemblages douloureux de potentiels individuels, chassés dans le tout-à-l'égout de l’histoire.

Pour ceux-là, et pour d’autres encore, quelqu’un allait payer.

Ma tête tournait un peu et je suis descendu du chariot élévateur. J’ai aidé Ortega à me suivre. Son poids m’a fait mal, mais pas plus que la prise de conscience soudaine qu’il s’agissait de nos dernières heures ensemble. J’ignorais d’où venait cette idée, mais elle s’était implantée dans mon esprit avec cette sensation solide à qui je faisais plus confiance qu’à la pensée rationnelle. Nous avons quitté la chambre d’enveloppement main dans la main, sans même le remarquer. Bautista nous attendait dans le couloir, et d’instinct nous nous sommes séparés.

— Je vous cherchais, Kovacs, a dit Bautista. (S’il avait remarqué notre manège, il ne l’a pas montré.) Votre copine mercenaire s’est barrée et nous a laissé le nettoyage.

— Ouais, Kristi… (M’interrompant, j’ai jeté un coup d’œil à Ortega.) On me l’a dit. Elle a emporté le fusil à fragmentation ?

Bautista a acquiescé.

— L’histoire est toute trouvée. Quelqu’un vous a appelé pendant une fusillade du Panama Rose. Vous êtes arrivé et vous avez vu les spectateurs massacrés, Kadmin et Carnage morts, Ortega et moi amochés. Carnage avait dû agacer quelqu’un qui s’est énervé…

Du coin de l’œil, j’ai vu Ortega secouer la tête.

— Ça va pas coller, a dit Bautista. Tous les appels à Fell Street sont enregistrés. La même chose pour les téléphones des voitures de patrouille.

J’ai haussé les épaules, sentant le Diplo se réveiller en moi.

— Et alors ? Vous ou Ortega avez sûrement des indics ici, à Richmond. Des gens dont vous ne pouvez donner les noms. L’appel a été passé d’un téléphone personnel qui a été détruit lorsque vous vous êtes frayé un chemin à travers ce qui restait de la sécurité du Panama Rose… Aucune trace. Et rien sur les unités de surveillance car le mystérieux individu, celui qui a tiré sur tout ce qui bouge, a effacé la totalité du système de sécurité. C’est faisable, je pense.

Bautista a hésité.

— Je suppose. Il nous faudrait un rat de données. Davidson est assez doué, mais il n’est pas au niveau.

— Je peux vous avoir un rat de données. Autre chose ?

— Certains des spectateurs sont toujours vivants. Ils ne sont pas en état de bouger, mais ils respirent encore…

— Oubliez-les. S’ils ont vu quelque chose, c’était probablement Trepp. Et sans doute de manière très floue. La scène n’a duré que quelques secondes. La seule chose à décider est quand appeler les fourgons à viande…

— Bientôt, a dit Ortega. Ou cela va attirer l’attention.

Bautista a reniflé.

— Ce foutoir va attirer une sacrée attention de toute manière, lieutenant. Tous les gusses de Fell Street sauront ce qui s’est passé ce soir.

— Alors, ce genre d’intervention est une habitude ?

— Ce n’est pas drôle, Kovacs. Carnage a dépassé les bornes. Il savait ce qu’il risquait.

— Carnage, a murmuré Ortega. Ce fils de pute est stocké quelque part. Dès qu’il va se faire envelopper de nouveau, il demandera une enquête en hurlant.

— Peut-être pas, a dit Bautista. Depuis combien de temps était-il copié dans le synthétique ?

Ortega a haussé les épaules.

— Qui sait ? Il le portait la semaine dernière. Au moins aussi longtemps, à moins qu’il ait fait une mise à jour de la copie. Et ça coûte bonbon.

— Si j’étais quelqu’un comme Carnage, je me ferais mettre à jour après chaque événement majeur. Quel qu’en soit le prix. Je ne voudrais pas me réveiller en ayant oublié mes actions de la semaine…

— Tout dépend de la nature de ces actions, a dit Bautista. Si c’était quelque chose d’illégal, autant se réveiller sans rien savoir. Comme ça, vous passez les interrogatoires de la police et le polygraphe les doigts dans le nez.

— Mieux que ça. Vous ne seriez…

Je me suis arrêté, en pleine réflexion. Bautista a fait un geste impatient.

— Si Carnage se réveille sans savoir, il lancera peut-être une enquête privée, mais il ne sera pas pressé de voir la police mettre son nez dedans. Et, s’il se réveille avec des souvenirs, il fera encore moins de bruit qu’un orgasme catholique… Je crois que nous tenons le bon bout…

— Envoyez les ambulances. Et appelez Murawa pour…

La voix d’Ortega s’effaçait. Dans mon esprit, la dernière pièce du puzzle se mettait en place. La conversation entre les deux flics a basculé dans le néant. J’avais les yeux fixés sur une faille dans le mur de métal à côté de moi, attaquant mon idée avec tous les tests logiques possibles…

Bautista m’a lancé un regard curieux avant de partir appeler les ambulances. Quand il a disparu, Ortega m’a effleuré le bras.

— Eh, Kovacs, tout va bien ?

J’ai cligné des yeux.

— Kovacs ?

J’ai tendu la main et j’ai touché le mur, comme pour m’assurer de sa solidité. Comparé à la certitude du concept qui naissait en moi, mon environnement paraissait soudain intangible.

— Kristin, je dois me rendre à bord de La Tête dans les Nuages. Je sais ce qu’ils ont fait à Bancroft. Je peux faire tomber Kawahara et pousser la résolution 653. Et je peux faire sortir Ryker.

Ortega a soupiré.

— Kovacs, nous en avons déjà…

— Non. (Ma voix était si brutale qu’elle m’a surpris moi-même. J’ai senti Ortega souffrir quand les blessures de son visage se sont crispées.) Il ne s’agit pas de spéculation. Ce n’est pas une idée en l’air. Je connais les faits. Et je vais monter à bord de La Tête dans les Nuages. Avec ou sans votre aide, mais j’y vais.

— Kovacs, a dit Ortega en secouant la tête. Regardez-vous. Dans l’état où vous êtes, vous ne pourriez pas vous battre contre un proxo d’Oakland… et vous parlez d’un assaut contre l’une des Maisons de la Côte ouest ! Vous pensez traverser les systèmes de sécurité de Kawahara avec des côtes cassées et cette gueule-là ? Oubliez.

— Je n’ai pas dit que cela allait être facile.

— Kovacs, cela ne va pas l’être, du tout. Je me suis penchée sur les bandes du Hendrix assez longtemps pour vous permettre de pipeauter Bancroft, mais c’est fini maintenant. La partie est terminée, votre amie Sarah retourne chez elle et vous aussi. La rancune ne m’intéresse pas.

— Vous voulez vraiment revoir Ryker ? ai-je demandé avec douceur.

Un instant, j’ai cru qu’elle allait me frapper. Ses narines étaient blanches et son épaule droite s’est crispée. Je ne saurai jamais si c’est la gueule de bois du paralyseur ou son self-control qui l’a arrêtée.

— Je devrais vous exploser la gueule pour ça, Kovacs, a-t-elle dit d’un ton égal.

J’ai levé les mains.

— Allez-y. Je ne pourrais pas me battre contre un proxo d’Oakland. Vous vous souvenez ?

Ortega a émis un bruit de gorge dégoûté et s’est détournée. J’ai tendu la main.

— Kristin… je suis navré. C’était méchant. Voulez-vous seulement m’écouter ? Jusqu’au bout ? Une seule fois ?

Elle est revenue vers moi, la bouche serrée, la tête baissée. Elle a avalé sa salive.

— Non. C’est trop. (Elle s’est éclairci la voix.) Je ne veux pas que vous soyez encore blessé, Kovacs. Je ne veux plus de dégâts.

— Plus de dégâts sur l’enveloppe de Ryker, c’est ça ?

Elle m’a regardé.

— Non, a-t-elle répondu lentement. Ce n’est pas ça.

Et, sans transition apparente, elle s’est pressée contre moi, là dans ce sombre couloir de métal, enfouissant son visage dans ma poitrine. J’ai avalé ma salive et je l’ai serrée fort, tandis que nos derniers moments coulaient entre mes doigts comme des grains de sable. À ce moment, j’aurais presque tout donné pour ne pas avoir un plan à lui soumettre, pour ne pas avoir à dissoudre ce qui grandissait entre nous et pour ne pas haïr autant Reileen Kawahara.

J’aurais presque tout donné.

 

Deux heures du matin.

J’ai appelé Irène Elliott à l’appartement de JacSol et je l’ai sortie du lit. Je lui ai dit que nous avions un problème et que nous paierions grassement pour le régler. Encore ensommeillée, elle a acquiescé. Bautista est parti la chercher dans une voiture banalisée.

À son arrivée, le Panama Rose était éclairé comme pour une fête. Les projecteurs sur les côtés lui donnaient l’air de descendre du ciel nocturne sur des cordes de lumière. Les cordons de sécurité en illuminum décoraient la superstructure et l’amarrage. Le toit de la soute où avait eu lieu le match d’humiliation avait été rabattu pour permettre un accès direct aux ambulances ; les éclairages de la scène du crime montaient dans la nuit comme la lueur d’une fonderie. Des voitures de police sécurisaient le ciel, posées de l’autre côté du quai, leurs gyrophares bleus et rouges en action.

Je l’ai attendue sur la passerelle.

— Je veux mon corps, a-t-elle hurlé pour couvrir le sifflement et le rugissement des turbines en vol stationnaire.

Les projecteurs ont pratiquement redonné à ses cheveux bruns leur teinte blonde d’origine.

— Je ne peux rien faire tout de suite, ai-je hurlé en retour. Mais c’est dans les tuyaux. D’abord, vous devez réussir ce boulot. Gagner du crédit. Maintenant, mettons-nous à l’abri avant que cette pute de Sandy Kim vous repère.

Les flics locaux maintenaient les coptères de la presse à distance. Ortega, toujours secouée et malade, s’était enveloppée dans un cache-poussière réglementaire et bloquait la police locale à l’extérieur. L’équipe de la division des Dommages organiques, hurlant, mentant et bluffant, tenait le fort tandis qu’Elliott commençait à falsifier les images de surveillance.

Comme Trepp l’avait dit, la police était le gang le plus puissant du coin.

— Je quitte l’appartement demain, m’a dit Elliott en travaillant. Vous ne pourrez plus m’y joindre. (Elle est restée silencieuse un moment, sifflant entre ses dents en entrant les images qu’elle avait créées. Puis elle a jeté un œil par-dessus son épaule.) Vous dites que j’aide ces gars ? Qu’ils me seront redevables ?

— Ouais.

— Alors je prendrai contact avec eux. Je parlerai à l’officier responsable. Et n’essayez pas de me joindre à Ember, je n’y serai pas non plus.

Je n’ai rien dit, je l’ai seulement regardée. Elle s’est retournée pour travailler.

— J’ai besoin d’être un peu seule, a-t-elle murmuré.

Rien que ces paroles me semblaient être un luxe.

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